Je suis née et j’ai grandi dans le Sud Ouest de la France. C’est là que j’ai eu un avortement, en 1980, et je le regrette profondement.
J’aimais mon copain. Quand il a su que j’étais enceinte, il m’a dit : “tu as 3 choix :
- ou tu gardes le bébé mais je ne pourrai pas t’aider, je ne serai jamais un père de famille,
- ou tu le donnes à l’adoption,
- ou tu as un avortement”.
J’attendais sans pouvoir prendre de décision. Je me sentais comme une petite fille qui avait fait une grosse bêtise et allait être punie. Croyant bien faire , ma maman me conseilla l’ IVG: nous étions tres proches et elle ne voulait que mon bien. Elle savait que mon copain serait incapable de m’aider. L’ IVG semblait être la solution incontournable… Et au fond, si d’autres le faisaient, et si la Loi l’autorisait, ça ne pouvait pas être si terrible!
A contre coeur, je me suis rendue au planning familial: étape préliminaire a l’avortement. La, personne ne m’a parlé: on m’a juste donné un papier a remplir. Deux jours plus tard, j’étais à la clinique: la procédure était celle d’un D et C (dilatage et curetage). Au moment d’être anesthésiée, j’ai ressenti un profond sentiment de malaise, d’incertitude, de honte… Quand je me me suis réveillée, j’avais de fortes douleurs au ventre et de la fièvre. Cela dura deux jours. Je ne me suis pas inquiétée. Je voulais juste en finir vite, oublier tout ça…
Quelques mois plus tard, mon copain et moi avons déménagé dans une autre ville. Là j’ai commencé à avoir des crises de tacicardie: tout d’un coup, mon coeur battait tellement vite que je me croyais au bord de la crise cardiaque. Les crises étaient de plus en plus fréquentes et sévères. Je dus consulter un cardiologue: il déclara que c’était lié au stress ou à l’anxiété, qu’il me faudrait en trouver l’origine… Finalement, je me suis résolue à quitter mon copain, pensant que ce serait la fin de mes problèmes.Je me consacrais a la peinture qui avait toujours été ma passion. Mais les crises d’anxiété continuaient, et malgré quelques bons amis, je voulais partir loin…
Un jour , en rentrant d’une exposition, j’ai vu une vieille église sur la place d’un village avec la porte grande ouverte! J’y suis entrée et j’ai prié: ” Dieu, s’il te plait, fais que je rencontre un garcon qui m’amènera sur les routes d’Amérique!” Incroyablement, quelques mois plus tard, j’ai rencontré celui qui allait devenir mon mari: il travaillait au Canada, et je l’ai suivi!
Notre relation n’était pas toujours facile au début, à cause de nos blessures passées. Lors de ma première grossesse, j’ai fait une fausse couche qui s’est terminée en hémorragie et aux urgences avec quatre transfusions sanguines. Mon docteur soupçonnait des problèmes liés à mon avortement. Je craignais de ne plus pouvoir avoir d’enfant. Mais par bonheur, un an plus tard, mon premier fils est né. Quand je le regardais,si petit, si mignon, je pensais au bébé que j’avais avorté et comme il devait être beau lui aussi… J’ai commencé à avoir des cauchemars où je voyais un tout petit bébé disparaître sous l’eau et j’essayais d’attraper sa petite main tendue vers moi et je n’y arrivais pas! Ma conscience ne cessait de me tourmenter. Pour contrer mes remords et ma culpabilité, j’ai commencé à témoigner.J’avais cette idée que si je pouvais sauver deux bébés, le mien ne serait pas mort pour rien. Travailler pour défendre la vie, malgré les luttes et les frustrations, m’a aidée à guérir.
En 2002, mon dernier bébé a été diagnostiqué in utero avec un grave problème génétique: trisomie 18. Il pouvait mourir avant la naissance ou juste après. J’ai dit au docteur que je n’avorterais pas une seconde fois. Dieu seul déciderait quand ce bébé allait mourir! Gérard est né et a vécu 26 heures pendant lesquelles il a été tenu et bercé par ses cinq frères et soeur, et son doux visage restera à jamais gravé dans nos mémoires. Comme j’aurais du protéger ainsi son demi-frère avorté vingt ans plus tôt. J’aurais dû être plus forte et défendre sa vie!
Une retraite post-avortement à la Vigne de Rachel a complété ma guérison morale et spirituelle. C’était une belle expérience ou j’ai rencontré d’autres femmes dans mon cas. Cela m’a donné le courage de témoigner en public, de dénoncer la grande douleur causée par l’avortement, de rompre le silence!
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