J’avais 21 ans quand ma petite amie m’a annoncé qu’elle était enceinte. Nous avions des relations élastiques.
Cet été là, je travaillais au Maroc, elle passait ses vacances en Espagne, elle est venue me voir avant de repartir sur Paris. C’est de Paris qu’elle m’a téléphoné.
Elle avait déjà pris sa décision d’avorter et avait tout organisé.
Elle allait partir en Angleterre chez sa grand-mère. A cette époque l’avortement était déjà légal en Angleterre, mais pas encore en France.
J’ai suggéré, du bout des lèvres, qu’on pourrait se marier.
Mais elle avait trop peur de l’annoncer à son père, il n’était pas question de garder le bébé, ni de se marier.
Après l’avortement, nous nous sommes revus une ou deux fois et on est parti chacun de son côté sans jamais parler du bébé. Quelques mois plus tard j’ai appris par hasard qu’elle s’était mariée.
Je ne savais pas l’impact que cet avortement allait avoir sur moi, ma vie, sur celle qui allait être ma femme, sur ma famille, sur nos enfants.
Ma mère était décédée le même été, alors étudiant à Montpellier, j’étais un peu perdu.
Je me suis alors blindé, j’ai enfoui et l’avortement et mes sentiments.
Je me suis fermé.
Je ne voulais plus m’attacher à personne, j’avais peur de souffrir et de faire souffrir, de ne pas être à la hauteur de situations difficiles, de ne pas pouvoir les affronter et les surmonter.
Quand Christine, ma future épouse, m’a dit qu’elle était enceinte, j’étais complètement anesthésié.
Je ne pouvais pas m’engager. Pour moi, l’avortement était la seule issue.
Le premier avortement avait détruit quelque chose en moi et ouvert la porte sur le deuxième avortement, comme une suite logique.
Je J’avais 21 ans quand ma petite amie m’a annoncé qu’elle était enceinte.
ne me souviens de rien.
J’ai de nouveau enfoui cet avortement et je ne pouvais pas en parler.
Pourtant, Christine et moi, nous nous sommes mariés et avons eu cinq filles.
Si je donnais l’impression d’être super bien, ça a été un long et douloureux chemin de guérison intérieure et de pardon à donner et à accepter que nous avons fait ensemble et heureusement.
C’est un chemin qui est passé par une rencontre avec Dieu.
Un Dieu d’amour, lui-même source de l’amour et de la vie.
En couple nous avons travaillé avec une organisation qui s’occupait des femmes enceintes qui pensaient à l’avortement, ou de femmes qui avaient avorté.
J’ai franchi une autre étape décisive quand j’ai pu parler de l’avortement, d’abord en couple puis avec nos filles.
Ne pas en parler, c’était comme une gangrène, un poison qui se répandait en moi.
En parler a permis d’arrêter à ce poison de faire d’avantage de dégâts et de continuer sur ce chemin de guérison.
Nous sommes aussi allés ensemble à un weekend de guérison, ça a été très fort pour moi.
On devait écrire une lettre à notre enfant, à mes enfants pour moi, et la lire.
J’ai pu écrire une lettre, mais je n’ai jamais pu la lire à haute voix tellement l’émotion était forte, les mots ne passaient pas ma gorge.
Ce weekend aura été une autre étape décisive.
Je ne pense pas que la guérison soit synonyme d’oubli, il n’est pas un jour où je ne pense à ces deux enfants, mais on apprend à vivre avec soi-même, à aimer et à s’ouvrir aux autres, à aider ceux et celles qui ont eu un ou des avortements, par exemple.
J’ai décidé de rompre le silence pour que le monde sache que l’avortement touche aussi les hommes et profondément. Le fait de devenir un parent, père ou mère, n’a rien d’anodin.
On est fait pour donner la vie.