En 1979, je me suis retrouvée enceinte à 18 ans, peu de temps après avoir subi mon premier rapport sexuel. J’étais alors étudiante en khâgne. Je pensais que l’avortement légal était une grande victoire des femmes. Mal informée, sans soutien ni ressources propres, l’IVG semblait la seule option. Je croyais ainsi effacer ma grossesse.
Je suis arrivée seule à la clinique pour avorter en même temps qu’un couple dont la femme arrivait pour accoucher. J’ai réalisé à ce moment là l’horreur de ma situation. Mais n’ayant pas d’autres issues, je n’ai pas cherché à m’échapper. L’avortement a été pratiqué sous anesthésie genérale. Le réveil, seule dans une chambre a été très pertubant. Une très forte douleur au ventre et les cris de celles qui accouchaient dans les chambres voisines n’a pas été suffisant pour mesurer ce qui s’était passé.
Rapidement j’ai sombré dans une profonde dépression. Les premières envies de mourir ont commencé. J’ai réagi en travaillant avec acharnement pour refouler la douleur. Pendant de nombreuses années, je n’ai plus eu de problèmes de santé à part 2 hospitalisations pour 2 infections de l’appareil reproductif.
En 1988, 9 ans après mon IVG, une angoisse insupportable et incompréhensible avec de graves troubles du sommeil s’est installée. Je me suis retrouvée incapable de continuer à étudier. J’ai échoué à l’agrégation de sciences sociales. J’avais pourtant été admissible à ce concours l’année précédente.
En 1990, 11 ans après mon IVG, les troubles de santé se sont aggravés. j’ai été hospitalisée à plusieurs reprises pendant 3 ans. Je souffrais d’une alternance de dépression suicidaires et d’épisodes d’hyper excitation où je cherchait à échapper à une mort imminente. Le médecin a diagnostiqué une maladie génétique incurable. Une médication quotidienne à vie m’a été prescrite.
En 1995, après la naissance d’un fils, des cauchemars récurrents se sont succédés. Je me voyais jeter un bébé à la mer où enterrer un bébé vivant. Pour les 3 mois de mon fils, une petite phrase a mis fin en une seconde à 16 ans de déni sur mon ivg. La petite phrase était « il n’y a pas de plus bel amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime ». J’ai réalisé que j’avais fait le contraire en avortant. J’ai réalisé que depuis des années je revivais inconsciemment la destruction violente de la vie de mon premier enfant à l’âge embryonnaire. La perte de toutes les années qu’il aurait vécu sans l’IVG : perte infinie, souffrance infinie, jamais encore intégrée, jamais pleurée.
La guérison est venue progressivement. La foi découverte en 1994, l’amour inconditionnel de mon mari rencontré 10 ans après l’IVG, l’amour de nos enfants et l’amour de tous ceux qui m’ont écouté, ont été déterminants. En faisant le deuil douloureux du bébé que je ne tiendrai jamais dans mes bras, tous les symptômes de ma soi-disante maladie incurable ont disparu. En 1999, j’ai pu arrêter définitivement la médication quotidienne commencée 10 ans avant.
L’aide de toutes les autres personnes post-abortives a ensuite été nécessaire pour continuer à guérir. A partir de 1999, prendre un rôle actif dans ma guérison et dans celle des autres dans des programmes post avortement tels que la Vigne de Rachel, une Saison pour Guérir ou l’Espérance est Vivante m’a aidée à quitter définitivement le sentiment d’impuissance lié à mon IVG. En témoignant de mes regrets d’avoir avorter, j’ai pu commencer à porter des fruits de vie pour d’autres.
J’ai choisi de rompre le silence pour redonner espoir à toutes les personnes brisées ou blessées par l’avortement.
3 minutes en vérité avec Anne-Hélène… par famillechretienne